Paradis fallacieux
Le printemps dernier, elle marchait les sourcils hauts
Le dos pincé et le nez droit.
Son cœur était comblé.
Sa tête était pleine de valeurs inébranlables.
Elle avait réfléchi, sous-pesé et choisi.
Tout était enveloppé sous une couette dorée.
Elle chérissait ses pensées avec une intense conviction.
La lumière s’est accrue,
Les jours se sont rallongés. L’été est arrivé.
Sous un voile de pudeur, un fossé s’est immiscé
Des regards de biais et des chagrins dissimulés.
A l’étroit dans ses baskets,
L’étiquette est restée. Le doute installé.
Puis les feuilles se sont envolées.
Avec l’indéfectible assurance du temps passé.
De manière insidieuse,
Les nébuleuses se sont intensifiées.
Le paradis s’est fondu dans la brume de l’automne.
Yeux condensés et vitres en plume.
Elle a franchi le pas dans la neige étoilée.
Des flocons d’illusions et de plaisirs immédiats.
La forêt s’est assoupie dans la torpeur de l’hiver.
Sournoises habitudes, elle a mordu le fond !
Fleur sauvage
Aux abords des routes,
Si délicate et mordorée,
La poussière m’enivre.
Exaltée de liberté,
Elle est une confidente fustigée.
Je survis où personne ne s’arrête.
Une fissure, un parvis.
Et pourtant le vent m’enlace
Au passage des flots.
Dans l’aridité des nuits,
La rosée obscure
Inonde notre union.
Je me déhanche avec une ardeur fragile.
Enflammée, je reste libre.
Son souffle m’envoûte,
Je vibre, impétueuse et volontaire.
J’aspire à la vie.
Incandescence éphémère,
Moue écarlate, sensuelle
D’une jeune demoiselle.
En terrain hostile,
Je survis où rien ne pousse.
Comme une paupière de soie,
Mes pétales virevoltent dans la joie,
Fière et timide,
Empourprée dans ma solitude,
Je n’appartiens à personne.
Nul ne peut me possèder,
Nul ne pourra me cueillir
Sans causer ma perte.
Ombre flottante
La certitude est un lit de mascarades
Elle crépite au dessus de votre tête,
Vous ligotant les yeux,
Et vous crevant les mains.
Votre visage est une ombre,
Vous n’avez qu’une vague idée
De la réalité de demain.
Vos choix sont arbitraires,
C’est la nuit du hasard
Qui vous a vu naître.
Sous la voile d’un navire lointain
Vous avez suivi un flot indistinct
En croyant pouvoir trouver
Votre place dans cette société.
Le brouillard a surplombé vos pieds,
Nulle part vous ne pouviez aller,
Nulle part vous n’aviez la possibilité
D’être votre propre reflet.
La vérité est une vertu menaçante,
L’hypocrisie un atout déconcertant.
Des utopies sont venues tapisser
Un flou incommodant.
Vous avez pris possession
De valeurs arbitraires
Que vous ne pouviez justifier à tout instant.
Désormais vous avez la certitude
Que tout est incertain.
Méchantes gens
Les langues sifflent,
Elles me transpercent les yeux.
Sous leurs ailes blanches,
Les oiselles cachent leur venin.
Les couleurs se dilatent,
La pénombre fait place,
A l’obscurité de leurs regards.
Leurs atours sont ostentatoires.
Les paroles restent étanches,
Et leurs crachats s’émancipent.
Ils se propagent
Tels des filaments vivants!
Sur une larme sucrée,
Mes sens sont voilés.
L’ironie est enflammée,
Nue et démunie,
Je ne possède qu’un regard,
Authentique espoir,
Que sont mes valeurs et mon coeur.
Leur sourire rampe sournoisement,
Il est acharné,
Et ne semble que paraître.
Les pensées sont hermétiques,
Elles se glissent,
Se faufilent et s’introduisent,
Elles ne parlent que d’elles-mêmes,
Le nombril aux aguets.
La chaleur m’oppresse
Me remplit de tristesse.
Je suis seule,
Sur un plancher de béton,
Une tombe en perdition.
Désarroi blanc
Sous son chapeau se cache
Le ciment de sa pensée,
Jamais il ne le retire,
Jamais il ne s’en sépare.
Il est pourtant seul,
Seul avec son désarroi,
Et ses paradoxes.
Le moment n’est pas établi,
Narcotiques et prises de risques.
C’est elle qui le maintient
Blanche nébuleuse.
Vaporeuse sur-le-champ !
Que dire en pareil instant ?
Les mots sont invariables.
La peur n’a plus de peau
Lui s’efface sous le voile blanc
Son teint prend un reflet d’eau.
On ne sait plus trop où il est ?
A-t-il disparu ?
Dans ses bras,
Dans sa solitude
Vipère au cœur,
C’est elle qui l’a mordu.
Parfum d’automne
Dans la nuit, la torpeur est née
Par une confession trop intime.
Les mots sont vulnérables
Un soir d’automne.
Illuminés par des brillances étoilées,
Une fièvre s’est installée,
Non une maladie,
Une peur, un doute
Une révélation peut-être ?
Les ombres de la nature
Les ont embaumés
D’un parfum exalté.
Ils sont jeunes, ivres de vivre.
Un baiser transformé
En rêve passionné.
Ne crois-tu pas que la vie
Soit un immortel doute ?
Les sentiments sont doubles
Ils jouent avec les larmes.
Mais ne t’enfonce pas
Dans les marais de la mélancolie,
Sois juste un peu toi,
Un peu fou, irraisonnable.
Crache ta peur dans le fossé
Brise ta lâcheté en éclats de velours.
L’amitié ne peut se liquéfier.
Juste une relation inexplicable,
Une complicité grandissante.
Détruis les frontières
D’une morale coupable
De blessures amères.
Écoute ce murmure,
Ce souffle,
Retiens-le dans le creux de ta main
Protège-le jalousement
Et sauve-le du temps qui passe…
L’infidèle
Un vil, un pas, un vice
Tu es presque mort
Somnole dans ce désert liquide
Le sel sèche, la blessure blesse.
Tu n’as pas obéi
Tu te croyais Dieu
Être suprême ou odieux ?
Intouchable, dérouté, tu as succombé.
Le désir, la chair, le poison
Tu as tout dégusté
Enflammé, sans te protéger,
Tu as tout oublié
La vie, la liberté, les jours comptés
Maintenant tu es rongé, putréfié
Les jours rigolent, ta mère pleure
Un vil, un pas, un vice
Ta vie trébuche, tu es mort pauvre con …
La peinture
La peinture est le solvant de l’âme.
Elle anime, elle suscite, elle envoûte,
c'est une fenêtre vers l'intérieur
Egale à elle-même.
La peinture est infinie
Et l'infini n'a pas de valeur
Une émotion, une exaltation
La peinture est une porte
qui n'a jamais de seuil
un vide extraordinaire
où l'on se noie sans regret
un reflet de l'amour
De la passion et de la force
qui nous transporte au fil du temps.
« Écrire, c’est peindre des mots… » (Ben)
Renaissance
L’axe temporel se rationne immuablement.
Égarant son intensité,
Avec fatalité et dérision.
Nue, gisant sur le plancher médian,
Entre réalité et illusions
J’ai franchi un seuil sans appel.
Mes mains harassées,
Mes yeux élimés,
Regardant mes pas déferlants,
Dans les méandres de mon passé.
Face au berceau de mes aïeux,
Je souris tendrement.
Mon rôle se meut paisiblement,
Un retrait, non un abandon,
Une émancipation au fil du temps.
Le témoin est passé.
Spectatrice de ce que j’ai planté,
Et reconnaissante de ce qui a germé.
Au mitan d’une existence débordante,
Un influx incliné vers l’avant,
Je dessine un horizon rayonnant.
Empreinte de liberté et de reflets argentés,
Et prête à envoyer valdinguer les préceptes imposés.
Hors du temps
Dans sa ligne de vie,
Elle voyageait hors du temps,
Hors des concepts nauséabonds
Dans ses rêves et son imagination,
Dans son cœur et sa connexion,
A la nature et aux gens.
Avec bienveillance et dans son isolement,
Elle ressentait tout.
Tout trop fort, trop intensément.
Avec un sourire au coin des lèvres,
Elle observait,
La beauté imperceptible,
L’éphémère et les fenêtres ouvertes,
Avec émerveillement.
Les lignes d’horizon cabossées,
Unis par la pensée,
Par un fil antérieur,
Des vies passées et celles à venir.
Un baiser, un effleurement,
Elle l’aimait au-delà du temps.
L’éveil
En dépit de ton souhait,
Je suis arrivée dans ta vie.
Je n’avais pourtant rien démandé.
Plusieurs étés cumulés,
Puis un hiver soustrait.
Des souvenirs translucides,
Des paroles sans mot,
Mêlées à des peurs voilées.
Je revois des images distendues.
Je n’en comprends pas le sens.
Des fragments de mélancolie.
Puis un silence sans fond.
Des années avec ce sentiment de rejet,
Enfoui dans la culpabilité.
Et tant de chagrins prisonniers.
A chaque fois, mes lettres suspendues,
A cet indicible espoir qu’un jour,
Je ferai partie de ta vie.
Tu t’es caché, enfermé du monde,
Tu as fui, ignoré mes demandes.
Ignoré mon existence.
La peur d’y faire face peut-être ?
Cette insoutenable réalité.
Avec le temps, j’ai oublié ton visage.
Je me construite sans toi,
Sans ta voix.
Je ne sais si je dois encore t’appeler papa.
Quelle que soit la dénomination,
Je me suis libérée,
Sans amertume et sans inimitié,
De cette brûlure,
De cet abandon.